jeudi 21 novembre 2013

Boucherie (rue de la)

La voie romaine sud-est nord-ouest (Méditerranée-Manche par Poitiers), dont le tracé est antérieur à l’occupation romaine, passait par la rue de la Boucherie et la rue de la Mauvendière après avoir emprunté le début de celle du Pont-Saint-Martial, puis les rues de l’Hôpital, Louis-Longequeue et du Canal.

Les bouchers, dont la corporation daterait du Xe siècle, occupent d'abord le faubourg Boucherie (rue Raspail et rue du Collège), près de l’étang de Palvézy et de la rue des Tanneries. Mais au début du XIIIe siècle, ils sont contraints d’abattre les animaux et de vendre la viande place des Bancs-Charniers (place des Bancs actuelle). Pour se rapprocher tout en continuant à disposer d’eau, nécessaire à leur activité, ils s’installent sur les rives d’un ruisseau tortueux, qui donne son nom à l’une des plus anciennes rues de la ville : Rutort. Située dans le Château, à côté de la place des Bancs, elle deviendra la rue Torte, puis la rue de la Boucherie au début du XIXe siècle. A partir de 1535, les bouchers ont le droit de sacrifier le bétail dans leur rue, qui, depuis le XIIIe siècle, est nettoyée régulièrement par le trop-plein des étangs de la Motte, alimentés par l’aqueduc d’Aigoulène. L’eau descend ensuite jusqu’à l’hôpital Saint-Gérald en passant par la porte Pissevache, après avoir dévalé la rue du Canal.

A la Révolution, les bouchers obtiennent, suite à la parution des décrets sur la liberté du commerce, le droit de déplacer leurs étals à leurs maisons situées pour la plupart rue Torte. Les étangs de la Motte cessent à la même période d’être utilisés pour laver la chaussée. L’hygiène se dégrade et mène à la construction d’un abattoir en 1832. Devenue dès la fin du XIXe siècle une sorte d’attraction touristique, la rue est citée dans tous les guides. La boucherie de Limoges, monopole de six familles (Cibot, Juge, Malinvaud, Parot, Plainemaison et Pouret), concentre dans cette rue, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, tout le commerce de gros de la viande et presque l’ensemble de celui de détail.

En 1973, pour sauver le quartier de la démolition (la municipalité prévoit de remplacer les maisons à colombage par des constructions modernes), une manifestation festive est organisée, la Frairie des petits ventres, qui propose des spécialités culinaires limousines traditionnelles. Face à son succès, le maire renonce à son projet. Depuis, ce rendez-vous gastronomique est fixé chaque troisième vendredi d’octobre.

Les maisons de la totalité de la rue ont été conçues pour l’exercice du seul métier de boucher : vastes caves creusées dans le tuf pour conserver les viandes l’été, pièces noires pour le suif et la graisse, greniers pour les réserves de fourrage et de paille, système de ventilation au moyen de galetas et galeries ouverts, superposés sous la charpente, pour assurer le séchage et le stockage des cuirs et des peaux. Aujourd’hui, les devantures conservées (les plus anciennes datent de la Révolution) permettent de se faire une idée, mais il ne reste plus aucune boucherie dans la rue.

Au 1 rue de la Boucherie, à l’angle rue Vigne-de-Fer, une statue de la Vierge est enclose dans une niche du XIIIe siècle. Une autre est visible au milieu de la rue de la Boucherie, au 33, et une troisième à l’angle de la rue Gondinet (53 rue de la Boucherie). Elles servaient également pour l’éclairage des rues. Il n’en reste pas beaucoup dans la ville. Au 2 rue de la Boucherie, l’ancienne boucherie Parot-Guedet porte l’inscription latine Labor omnia vincit improbus suo tempore sous l’une des deux têtes de vache (voir aussi la sculpture à l’angle). Le 21 rue de la Boucherie possède une sculpture de sanglier et les 25-27, une sculpture de cerf.

La maison traditionnelle de la boucherie, 36 rue de la Boucherie, édifice construit sur des assises du XIIIe siècle, est représentative des maisons de bouchers de la rue. « Le bas », le rez-de-chaussée, est séparé en deux. Côté rue, la « pièce de devant » servait de boutique et de cuisine et, à l’arrière, la « pièce du fond », était utilisée comme tuerie et écurie. Les chambres étaient aux étages, tandis qu’en haut se trouvaient le grenier, où était entreposé le foin destiné à l’alimentation du cheval et le galetas, qui servait au séchage des peaux, surmonté d’une galerie ouverte pour faciliter la circulation de l’air. Acquise par la Ville et restaurée en 1983, ce musée municipal dévoile la vie corporative, familiale et religieuse des maîtres bouchers du Château de Limoges au travers de dons de leurs descendants : outils, photos et mobilier.

Au 38 rue de la Boucherie se trouve un bâtiment antérieur à 1765 caractéristique des constructions de bouchers. Aux 44-46, les deux maisons, une ancienne boucherie et une ancienne triperie, figurent sur le plan d’alignement dressé en 1775. Les devantures sur la rue de la Boucherie doivent remonter à la Révolution, quand les bouchers ont ouvert leurs boutiques. Sur la rue Charreyron, les bâtiments sont plus anciens : la façade du rez-de-chaussée est de style 15e siècle. Au 43 rue de la Boucherie, remarquer l’intérieur avec sa cheminée.

Au milieu de la rue, sur la place Saint-Aurélien, se dresse la chapelle Saint-Aurélien. Aurélius Cotta, futur saint Aurélien, est un païen envoyé par Rome à Limoges, au IIIe siècle, pour combattre le christianisme. Saint Martial, irrité par sa persécution, demande à Dieu de le foudroyer, ce qui est fait. Mais Martial se repentit et Aurélien est ramené à la vie. Ce dernier se convertit suite au miracle et devient le deuxième évêque de Limoges. Début 1315, à l’occasion de travaux dans l’église Saint-Cessateur, en bas de la rue des Pénitents-Rouges, des ouvriers découvrent fortuitement les ossements de saint Aurélien perdus depuis des siècles (il avait d’abord été enseveli près de saint Martial, sous l’actuelle place de la République). Les bouchers décident de placer leur corporation sous la protection du saint et ses ossements, enfermés dans une châsse, sont exposés dans l’église Saint-Cessateur. La première mention de la confrérie de saint Aurélien, qui veille au culte du saint, remonte au XVe siècle.

Au XVe siècle, l’église Saint-Cessateur est en ruine. La chapelle Saint-Aurélien, annexe de la paroisse Saint-Cessateur, est construite pour abriter les reliques du saint en 1471-1475, à l’emplacement d’une chapelle dédiée à saint Léonard, délabrée. Elle est transformée en 1647-1652 : le chœur est agrandi et décoré dans le style baroque. La façade, datée de 1652, est ornée entre autres de deux statues (saint Jean l’évangéliste et sainte Catherine d’Alexandrie) et deux blasons (des familles de bouchers Cibot et Juge). Le clocher est remplacé par le clocher actuel en 1679-1683 et le portail élargi en 1775. Devant la chapelle se dresse une belle croix monolithe en calcaire du XVe siècle, acquise par les bouchers en 1791, qui provient du couvent des Grands-Carmes. Elle représente les 12 apôtres et, dos à dos, le Christ en croix et le Christ aux outrages. A l’intérieur, le mobilier liturgique est riche également.

Bien national à la Révolution, la chapelle est vendue en 1795 à un boucher agissant en fait au nom de tous. Ce sont les bouchers qui se chargent de son entretien. En raison de leur profession, ceux-ci ne pouvaient se faire admettre dans les compagnies de Pénitents, jusqu’à la fondation, en 1629, de la Confrérie des Pénitents Feuille-Morte, dont les membres sont recrutés parmi les petits artisans et commerçants. En 1804, l’église Saint-Martial de Montjovis ayant été détruite, le siège de la confrérie des Pénitents Feuille-Morte est fixé dans la chapelle Saint-Aurélien et la compagnie devient aussi l’affaire des bouchers. Au centre de la place se tient la statue de Notre-Dame-de-Pitié, à l’origine groupe de terre cuite peint en blanc béni en 1859. Brisée en 1996, elle a été refaite en bronze et elle est désormais verte.

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